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JUSQU’À L’ÂME

Le Médecin. — Je vous dis qu’il ne vous faut plus que des reconstituants et un exercice modéré… Je vous dis que je n’ai plus rien à faire ici et que je ne reviendrai pas… Je n’ai jamais vu malade… ou plutôt guérie… gémir autant que vous.

Blanche. — Parce que les autres ne souffrent pas autant que moi… Ah ! je voudrais bien voir quelqu’un qui souffrirait autant que moi… aïe… et qui ne se plaindrait pas.

Le Médecin. — Adieu madame. De vrais malades m’attendent. (Il serre la main de Robert.) Au revoir, mon ami. (Il sort.)




Scène IV


ROBERT, BLANCHE

Blanche. — Il est méchant, ce docteur… Je suis sûre que mon mari — le monstre — lui a dit que je me plains toujours pour rien… Alors, je pourrais mourir, il dirait que je ne suis pas malade.

Robert. — Ne vous désolez pas. Je vous soignerai bien. Je sais déjà assez de médecine.

Blanche. — Est-ce que vous êtes docteur aussi ?

Robert. — Pas encore. Je suis trop jeune. Les études de médecine sont longues.

Blanche. — C’est parce que je voudrais vous dire quelque chose.

Robert. — Dites.

Blanche. — Écoutez, monsieur, je voudrais partir d’ici, revenir chez moi… je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui soit bon, rien que vous… Ça me ferait un gros chagrin de vous quitter… Alors, vous ne savez pas ce que vous devriez faire ? Vous devriez venir à Paris… Vous auriez de meilileurs professeurs… et, en même temps, vous me soigneriez, parce que, vous savez, je ne suis jamais tout à fait bien portante… je paierais ce qu’il faudrait…

Robert, souriant. — Il ne peut pas être question d’argent entre nous. Soyons deux amis.

Blanche. — Oh ! oui, j’ai tant besoin que quelqu’und m’aime un peu… me console… On m’a toujours rudoyée, parce que j’ai toujours souffert… Les gens sont égoïstes… ils n’aiment pas ceux qui souffrent… Il faudrait souffrir sans se plaindre… Comme si c’était possible.