Page:Ryner - Jusqu’à l’âme, 1925.djvu/31

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Robert. — Pauvre femme.

Blanche. — Vous, vous êtes la bonté même… Vous savez que je souffre… Vous ne dites pas non… Vous m’aidez à souffrir… avec patience… Et puis, je le sens bien, sans vous je serais morte à cette heure.

Robert, souriant. — Mais non.

Blanche. — Si, si. Je sais ce que je dis… Mais, allez, vous verrez que je ne suis pas une ingrate.

Robert. — Précisément, j’aurai quelque chose…

Blanche. — J’ai soif !

Robert, lui préparant une boisson avec du citron et du sucre. — J’aurai quelque chose à vous demander.

Blanche, toute souriante. — Demandez.

(Robert lui donne le verre de limonade. Elle boit.)

Robert, à part. — Elle semble bien disposée (Haut, la débarrassant du verre.) Pardonnez à ceux qui vous ont fait du mal.

Blanche. — Ça, ce n’est pas juste… Vous n’êtes as gentil… Je me trompais… Être bon pour les méchants, c’est mal. Il ne reste plus assez de bonté pour ceux qui la méritent.

Robert. — C’est pour vous que je vous le demande. La pensée du mal que vous avez subi est votre plus grand mal.

Blanche. — Oh ! oui, c’est horrible… Être une honnête femme… et être traitée… comme j’ai été traitée.

Robert. — La haine est une grande souffrance.

Blanche. — C’est vrai, ça fait du mal… Tout fait du mal… Mais pardonner, c’est impossible. Ce serait m’arracher la moitié de ma vie, me couper mon âme… Tenez, aïe, mes jambes me font mal en ce moment… Mais je ne voudrais pas qu’on me les coupe… Je ne veux pas qu’on me coupe ma haine.

Robert. — Vous ne voulez pas… même pour moi… pour me faire plaisir ? (Blanche se tait, boudeuse.) Vous ne voulez pas… pour que j’aille à Paris, avec vous ?… (Le mutisme de Btanche continue.) C’est bien, je resterai ici.

Blanche. — Pourquoi ? Qu’est-ce que ça vous fait. Vous demandez des choses qui ne sont pas justes et qui ne vous regardent pas… Üemandez-moi autre chose… je suis très riche…

Robert, souriant. — Je suis riche aussi. Je vous indique le seul