Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/107

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qu’une grande bataille allait s’engager. Je voulus être la première à frapper.

Les deux troupes se sont arrêtées, à distance. Une ennemie se détache de la bande méchante, marche sur moi. Des deux côtés on nous regarde. Il n’y aura pas bataille, mais probablement combat singulier.

Mon ardeur tombe à l’idée que je serai seule en péril ; je me sens moins brave pour l’action isolée que pour l’enivrante mêlée.

D’ailleurs mon adversaire est plus grande que moi. Je trouve injuste que mes amies me livrent à cette lutte inégale. Ne devraient-elles point me faire remplacer par un soldat de même taille que le soldat ennemi ?

Une seconde, je m’abandonne, je me résigne à la mort. Il me semble que mon abdomen sera heureux transpercé par l’aiguillon.ou que ma tête écrasée entre les mandibules goûtera je ne sais quelle volupté.

Mais l’idée de ces étranges joies devient très caractéristiquement humaine. Les mandibules écrasant ma tête sont des bras qui m’étreignent pour le baiser. Et je me réveille au courage, au désir de vivre. Je lutterai contre le faux baiser meurtrier pour me conserver au vrai baiser, à l’étreinte qui se desserre souriante et recommence plus douce.

Mandibules ouvertes, antennes retirées en arrière,