Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/116

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Elle me répondit :

— J’ai compris successivement chaque mouvement de tes antennes ; mais, maintenant qu’elles se sont arrêtées, je ne comprends plus.

Je passai avec une musique hautaine. Je m’enfonçai aux plus noirs souterrains et, seule, immobile, je me mis à songer.

Ma tête était très douloureuse. L’homme y triomphait insolemment, comme si jamais homme n’eût tué un homme pour une différence de race.

Aristote me retrouva. Visiblement, elle me cherchait. Elle me demanda, très douce :

— Est-ce que je t’ai fait du mal tout à l’heure ?

— Oui. Tu as tué mon affection pour toi.

— Je ne te comprends pas. Je t’ai bousculée un peu vivement, sans doute. Mais je n’avais pas le temps de calculer et de modérer mon geste : tu allais m’enlever ma part de la grande joie.

— Ce n’est pas de m’avoir bousculée que je t’en veux. C’est d’avoir tué sans raison. Elle s’étonna :

— Sans raison ?… Une étrangère !

— Je te méprise d’avoir tué ta semblable.

— Ma semblable ?… Une étrangère !

— Le hasard aurait pu te faire naître dans sa fourmilière ou la faire naître ici.

— Décidément, tu es une inventeuse de folies inouïes.

Elle ajouta :