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XIX

Depuis longtemps, nul incident inquiétant ne s’était produit. Nous avions oublié les anxiétés causées par la meute qui me poursuivit, renouvelées par la présence inexplicable de l’étrangère. Nous travaillions, tranquilles, heureuses, tout entières à la fructueuse moisson.

— L’année est excellente, me répétait souvent Aristote.

Nous ne prenions aucune précaution. Nulle sentinelle ne gardait les portes. Il arrivait que nous étions toutes dehors, occupées à recueillir les grains.

Ce jour-là, nous moissonnions notre dernier champ, le plus grand, le plus fertile, mais le plus éloigné. Toute la journée nous y avions travaillé sans revenir au nid. On entreposait la récolte dans les divers refuges échelonnés le long de l’interminable route. Dans notre hâte, nous encombrions même tunnels et chemins voûtés. Le soir, en rentrant, on rapporterait ce qu’on pourrait, ce qui était le plus mal abrité. Le transport du reste aurait lieu plus tard. Aujourd’hui, un orage menace et il faut sauver le plus de grain possible,