Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/151

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différentes de notre élégance ou des visions de vie grotesque et caricaturale.

En revanche, notre nid avait des hôtes terribles comme des souris1 qui mangeraient les enfants des hommes. Dans l’épaisseur de nos cloisons, d’étroites galeries s’ouvraient, inaccessibles pour nous, qui abritaient les ogres. C’étaient des fourmis noires (jaunes pour des yeux humains) très petites, tout en longueur, aux mouvements d’éclairs rapides, coudés, glissants. Les entomologistes connaissent ce monstre de cauchemar et le nomment solenopsis fugax. Les effroyables tanières que les solenopsis se creusaient au sein même de notre cité ouvraient presque toutes sur les salles des larves. Jusque sous nos yeux les lapides ennemis venaient d’un coup de mandibules, arracher un morceau de chair tendre, puis s’enfuyaient dans leurs inabordables repaires.

Mais, comme vous avez contre les souris et les rats des chats, des cochons d’Inde, des chiens ratiers, nous avions, pour faire la chasse à ces petits ogres, divers coléoptères carnassiers, de l’ordre des staphylins, ainsi que nos amis inutiles. Ces vaillants pénétraient pour d’obscurs combats dans les retraites les plus inquiétantes ou, pendant de longues heures patientes, ils guettaient et, dès que paraissait un dévoreur d’enfants, d’un seul bond, prompt comme la vengeance, inévitable comme la justice, saisissaient l’être infâme et,