Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grand nombre d’intrus (j’appelle ainsi mes frères et mes sœurs, êtres grossiers qui ont voulu quitter très jeunes le collège ou la pension et qui n’ont jamais donné à mes parents et à moi que des sujets de plainte) ne me permit point de suivre sans entraves ma vocation.

Je choisis une carrière libérale, estimée, qui entoure de sécurité et de considération. J’entrai dans l’Enregistrement. À vingt-huit ans, étant déjà receveur à Sisteron, je fis un mariage passable. Ma femme m’apportait cinquante mille francs de dot et d’assez belles espérances, qui avaient le tort de paraître bien éloignées.

Malgré le peu de loisirs que me laissaient mes devoirs professionnels, j’avais publié succesivement plusieurs mémoires d’économie politique. Notre gouvernement — qu’on calomnie beaucoup trop — m’en avait récompensé par les palmes académiques et par le mérite agricole. Mon dernier travail, celui qui m’avait valu le ruban vert, était une statistique très soignée des déprédations dont une espèce de fourmis, l'aphœnogaster barbara, se rend coupable à l’égard de nos blés.

Le 11 avril 1897, j’étais allé me promener sur un plateau voisin de Sisteron, en un lieu nommé Chambrancon. Couché sur le ventre, — posture peu convenable en elle-même et que pouvait seul excuser l’amour de la science — j’étudiais les