Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/162

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succulents, et mes antennes disent des promesses et des menaces, des câlineries et des fureurs. Car elle aussi, malgré notre amitié, malgré les engagements d’hier, la folie des ailes la soulève et les musiques de mâles l’entraînent vers l’azur. Elle me’ dit :

— Laisse-moi partir et conserve de moi un souvenir sans aigreur. Je t’aime beaucoup, autant qu’on peut aimer un neutre. Mais ma nature et l’amour sont plus forts que notre pauvre affection.

Je m’obstine. Mes antennes, en je ne sais quelles phrases gauches et passionnées — poétiques aussi de frôler un peu d’ineffable — tremblotent, comme bégavantes, les pensées humaines qui me torturent :

— Tu ne partiras point, affirment-elles. Et les étranges bégaiements tactiles essaient d’expliquer :

— Les mâles sont d’affreux démons. Leurs perfides caresses musicales veulent t’entraîner dans l’enfer inévitable pour eux. Reste ici, au paradis où nous serons ensemble, toujours.

Mais les ailes de Marie battent l’air, vont l’emporter. Elle réplique, avec un mépris comme ricaneur :

— Quelle joie peux-tu me donner, toi qui n’es pas un être d’amour ?

Mes antennes traduisent toujours, en bizarres balbutiements, des pensées d’homme, ridicule