Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des siens, immobile sur une hauteur, dressé sur ses pattes postérieures, la tête légèrement penchée, regardant l’ensemble du combat. Nous frémissions, quand il se laissait tomber en avant et sur les antennes d’une passante disait un ordre. Nous savions que quelque malheur allait fondre sur nous.

Au centre de nos bataillons, Aristote se tenait dans une attitude semblable. Quand l’adversaire donnait un ordre, son observation devenait plus tendue, impatiente, comme fiévreuse. Mais le mouvement commandé était à peine commencé, qu’elle le devinait tout entier, lui et ses conséquences. Avec une présence d’esprit jamais en défaut et des ressources inattendues, elle parait le coup et ripostait.

Son rôle était difficile. Les envahisseuses étaient trois fois plus nombreuses que nous et, chaque soir, nous devions nous avouer que la journée avait été plutôt mauvaise.

Notre impuissance, au lieu de nous décourager, nous excitait jusqu’à la rage. Quand, après le second combat. Aristote conseilla d’abandonner la place, de partir de nuit avec nos larves et nos provisions, de chercher plus loin une terre favorable où rebâtir la cité, nous refusâmes en une fureur unanime. Et, si mon amie avait insisté, peut-être l’eussions-nous tuée en l’accusant de lâcheté et de trahison.