Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/197

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XXX

La pluie cessa. Nous arrivions à un confluent. La lutte des deux rivières grossies nous jeta vers le bord. Nous sentîmes un choc. Aussitôt, en moins d’une seconde, la boule se désagrégea. Chacune de nous étira ses membres engourdis, secoua ses antennes lasses d’immobilité, se sauva plus loin de l’eau. Puis on essaya de se rendre compte des ressources et des dangers de l’endroit où l’on était.

Hélas ! nous n’étions pas à terre. Nous étions sur un arbre qui devait ordinairement occuper la rive, mais que l’eau en ce moment entourait. Ses branches inférieures s’inclinaient, lourdes de boues, d’herbes et de rameaux étrangers. Nous regardions, stupides, l’eau qui ne baissait pas et nous songions que nous allions, sans doute, mourir de faim.

Le soleil se coucha. Bien peu d’entre nous dormirent. Plusieurs restèrent au bord de l’eau, le bout des premières pattes frôlant la rivière, pour la sentir décroître, pour goûter, à petits coups