Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/46

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VI

Longtemps, ma pensée humaine fut absente. À peine deux ou trois fois, je la sentis suspendue dans l’ombre du précipice et qui essayait, impuissante, de remonter à la plate-forme lumineuse. Une légère poussée de la fourmi qui occupait toute la place suffisait à renverser l’assaut. Et les efforts du vieil homme, comme des ongles d’acier qui eussent griffé un silex, avaient éclairé mon bonheur de brusques lueurs de comparaison.

Quand je me fus bien désaltéré à la fraîche beauté des choses, j’admirais la noblesse svelte de mes compagnes. La forme allongée du thorax me remplissait de joie et le subit resserrement qui précède l’abdomen, l’admirable pétiole, plus étroit que le cou, m’émouvait comme jadis une belle taille de femme. Mais nul désir ne salissait mon émotion purement esthétique.

Je ne me rassasiais point de l’équilibre merveilleux du corps. Je regardais avec transport le cercle de la tête longtemps si parfait, et la façon suave dont la courbe se modifie pour permettre l’attache