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Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/81

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amie. Je m’excusai. J’avouai que depuis deux jours, en effet, je ne me reconnaissais plus. Une secousse, une maladie, je ne sais quoi, m’avait troublée d’aspirations absurdes et m’avait enlevé toute mémoire. J’avais peine à me retrouver dans notre fourmilière. Mes sœurs étaient toutes des inconnues à mes yeux changés et j’avais oublié jusqu’à mon nom.

Aristote me regarda avec pitié. Ses antennes battirent l’air en un monologue. Mais mes yeux suivaient leur mouvement et je lisais à mesure ce qu’elles disaient. Elles disaient :

— Il y a des maladies bien étranges. Je suppliai :

— Je fais appel à ton affection, qui est mon seul bien. Le mal étrange a enveloppé mon esprit d’un cocon aveuglant et paralysant comme celui où dormit mon corps de nymphe. Aristote, délivre mon esprit du cocon d’ignorance qui, je ne sais par quel mystère, s’est reformé et apprends-moi la vie une seconde fois.

Le geste de ses antennes fut une exclamation.

— J’ai vu bien des choses extraordinaires, disaient-elles. Mais le mal dont tu es frappé est plus extraordinaire que tout ce que j’ai vu.

Puis, en un brusque recul de méfiance, elles frémirent ces mots :

— Ne te moquerais-tu pas de moi ?

J’eus une stridulation douloureuse, qui prouvait