Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/89

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Je répétai ces expériences avec mes palpes. Aucun résultat. J’éloignai et rapprochai alternativement ma tête du bruit. Rien n’était changé.

L’organe de l’ouïe n’était pas dans ma tête ! À cette constatation, mes préjugés d’homme s’émurent, affolèrent mon esprit de fourmi. Et je demeurai stupide, les mandibules écartées comme les lèvres et les mâchoires ouvertes d’un imbécile, n’essayant même plus de comprendre.

Heureusement, Aristote revenait de mon côté. Je courus à elle, lui dis la question qui m’inquiétait. Elle joua une musique ironique et, prenant une de mes pattes antérieures, la posa sur la rugosité stridulante. L’harmonie devint énorme, m’assourdit, ébranla tout mon corps.

Mon amie lâcha ma patte, s’éloigna sans autre explication. Sur mon cerveau gauche, l’homme se dressa, gigantesque d’étonnement, les bras levés vers le ciel. Et il dit, très bête :

— Allons ! bon voilà que mes tibias sont des oreilles !

Mais je n’eus pas de temps à donner à ses sots émerveillements.

Une odeur nauséabonde commençait, approchait, de plus en plus écœurante, de plus en plus insupportable. Et je voyais une fuite de fourmis vers le nid. D’autres s’abritaient dans des creux, sous des touffes d’herbes, comme si elles craignaient d’être écrabouillées par quelque lourd éboulement