Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/99

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discuteuses, avec des éloquences persuasives, ou de brusques, douloureuses et, j’oserai dire, ricanantes négations.

Enfin l’une de ces fourmis vint à moi. Je fus inondée d’espérance car je reconnus ma bien-aimée Aristote.

Ses pattes antérieures soulevèrent mes antennes qui traînaient misérables. Il me sembla remonter des profondeurs à l’air libre.

Elle me dit, la chère bienfaisante :

— Si tu es encore vivante, manifeste ta vie.

Je sentis recommencer la chute d’agonie, et tout mon être fut étreint par cette idée : « Je suis trop faible ! »

L’angoisse épouvantable donna à mes antennes un frémissement d’impuissance que l’affection d’Aristote devina plutôt que ses organes ne le perçurent.

Elle me saisit par le thorax et, suivie des autres qui émettaient des musiques joyeuses, elle me rapporta au nid.

Elle me déposa dans une case du second étage, en bonne obscurité, et me soigna avec un dévoûment jamais en défaut.

Ses soins étaient simples. Elle glissait dans ma bouche d’exquises gouttes nutritives tirées de son jabot. Sa langue léchait mes plaies, qui ne tardèrent pas à se fermer. Avec des précaution délicates, elle pliait et dépliait mes pattes, mes palpes