Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/105

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la divinité qui, si elle existe, ne se préoccupe point de l’homme ; mépriser la douleur, légère quand elle se prolonge, brève et destructrice d’elle-même quand elle est forte ; ne pas laisser échapper les voluptés passées, mais les retenir et les alimenter par un souvenir assidu ; engloutir et annihiler dans cet océan la petitesse ridicule du présent dès que le présent, isolé, serait souffrance : voilà la sagesse, voilà le souverain bien, voilà l’art subtil et délicat de l’épicurien.

L’épicurisme et le stoïcisme, nobles fleurs de Grèce, il faut éviter de les juger sur leurs déformations latines. Le Romain, politique incurable, déforme mécaniquement, dès qu’il y touche, toute doctrine individualiste. Son épicurisme est une philosophie de mauvais lieu ou un pessimisme éloquent. Son stoïcisme devient, sous les premiers Césars, une attitude d’opposition et plus tard, avec les jurisconsultes, un programme de réformes pauvres.

Il reste quelque beauté inquiétante, comme une lumière de reflet, sur ces gauches imitations. J’ai rencontré aux Institutes des déclarations de liberté et d’amour. Sénèque est fertile en formules ingénieusement ramassées qu’admire mon esprit. Plusieurs stoïciens politiques indignent Tacite par l’inutilité, c’est-à-dire précisément par la noblesse,