Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/104

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ne passent et ne s’évanouissent que pour les insensés ; elles restent toujours présentes au sage. Son cœur est toujours plénitude. Par la mémoire et par l’espérance, le sage accroit l’intensité des voluptés présentes et il en efface d’une manière continue les inégalités. Tout ce qui tombe dans un tel vase y prend la saveur et l’odeur de ce qu’il contient. Versée dans cette immense douceur, une goutte d’amertume réussit à en relever le goût et à en augmenter la quantité. Et voici le sage définitivement affranchi de toute douleur. Nulle souffrance particulière ne troublera plus sa vaste, son unanime joie. Épicure mourant écrit à Idoménée : « C’est au plus heureux et au dernier jour de ma vie que je t’écris cette lettre. J’éprouve des douleurs de vessie et d’entrailles si vives qu’elles ne sauraient s’accroître. Mais tout cela est noyé sous la joie que verse à mon esprit le souvenir de mes dogmes et de mes découvertes. »

Ruisseau jeté dans l’océan du plaisir constitutif, la douleur n’existe plus pour le sage. Épicure disait : « Même sur un bûcher, je m’écrierais : Quelles délices ! »

Écarter les obstacles qui s’opposent à la pureté, à la continuité et à la plénitude du plaisir ; ne craindre ni la mort qui anéantit tout sentiment ni