Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/120

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vous pratiquez la politique. Admirez combien notre morale facilite votre politique et, vraiment, sans votre amour du commandement, à quoi et à qui servirait l’obéissance que nous louons ? Nous vous préparons un peuple soumis, nous vous le livrons sans défense et prêt aux plus aveugles complicités. Vous êtes trop bons calculateurs : il y aurait injure à vous prier de ne le point écraser sans raison et de ne point diminuer inutilement la force de vos outils. Vous êtes de bons maîtres, de bons princes, de bons hommes supérieurs, de bons surhommes. Nous faisons des consciences vos humbles alliées et vos servantes. Nous allons répétant que « toute puissance vient de Dieu » et nous vous proclamons les représentants terrestres, les verbes et les vicaires de « celui qui règne dans les cieux ». Ou, si Dieu n’est plus à la mode, vous devenez les glorieux gardiens de l’Ordre. Pour vous, mais pour vous seuls, nous admettons votre éthique — et un peu pour nous, n’est-ce pas ? Pourtant, soyons prudents, évitons de dire trop clairement certaines vérités, qui sont dangereuses. Nous nous sommes fait huer, quand notre zèle maladroit a distingué « les deux morales ». Celle qui vous est réservée, permettez donc que nous l’appelions politique plutôt que « morale