Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/130

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la force du corps donne le droit de frapper et d’asservir le faible. Pourquoi admettrais-je que les autres forces créent de tels privilèges ?

Je n’ai pas la naïveté de demander qu’on adore Jésus pendant qu’il vit. Je me contenterais de le voir considérer comme l’égal de Pilate. En supprimant l’esclavage, les verges et les croix, je me contenterais de lui éviter d’être frappé et crucifié comme un esclave. Je n’ai pas la naïveté de demander des honneurs officiels et une liste civile pour Spinoza. Mais, si la société voulait bien le considérer comme l’égal de son apothicaire, ne pas permettre que, malgré son travail manuel, celui qui nous laisse le magnifique héritage de l’Éthique laisse aussi des dettes derrière lui et que, saisissant le cadavre, l’apothicaire impayé s’oppose à l’ensevelissement, la Société aurait une honte de moins à son écrasant passif. Une organisation qui tiendrait compte de quelques vérités élémentaires, qui aurait remarqué que les meilleurs sont indifférents à la lutte matérielle, que les pires sont les mieux doués pour le vol légal ou pour le rampement vers le pouvoir, et qui établirait entre les hommes une égalité réelle empêcherait enfin le supérieur naturel d’être, comme toujours, la proie de l’inférieur. Quelqu’un pourrait-il me citer encore — si récents