Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/137

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d’abord, qu’un pauvre être aveugle, dont les tâtonnements maladroits risquent de faire le mal en voulant le bien ? Je ne sais encore de moi que ce besoin et cette impatience de me donner. Par bonheur, je crains de ne rien donner de précieux et je sens vaguement que céder à cette pente hâtive n’est ni toute la sagesse ni le commencement de la sagesse. Je suis d’ailleurs contraint d’hésiter et invité à me méfier par des appels trop nombreux venus de directions trop différentes. De tous les côtés, mille voix impérieuses ou séductrices réclament que je me donne ici plutôt que là, là plutôt qu’ici. Des maîtres affirment : « C’est à moi que tu dois te donner. » D’autres m’avertissent : « Crains le séidisme. Guéris-toi des individus. C’est seulement à une Idée, à une Cause que l’on se donne vertueusement. » Les Idées sont multiples et les Causes sont contradictoires. Patries, religions, doctrines politiques ou philosophiques se vantent et médisent des concurrences. « Sois à moi, je suis la vérité. Mes voisines sont les erreurs. Ne vois-tu pas combien je suis belle et combien elles sont laides ? » Où est mon critérium ? Comment me reconnaître parmi ces cris, ces exigences, ces injures, ces promesses, ces menaces ? « Je suis le grand amour. Autre part, il n’y a que des