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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/138

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masques d’amour sur des visages de haine. » Et chacune fanfaronne en sa langue : « Hors de moi, point de salut ! » Et chacune maudit ou raille les autres parce qu’elles disent en une autre langue : « Hors de moi, point de salut. »

Vais-je m’attarder au carrefour des voix, écouter, juge naïf, mille plaidoiries et mille réquisitoires ? Ne m’enfuirai-je pas plutôt en disant à la foule banale : « Ce n’est point parmi vous, troupeau de courtisanes, que je trouverais le véritable amour. Ah ! comme vous en imitez mal le langage. Chacune me prévient non seulement contre les concurrentes, mais contre leurs clients. Vous voulez me faire haïr plusieurs de mes frères ou me faire entreprendre contre leur liberté. En osant condamner des hommes, vous vous jugez vous-mêmes. Continuez votre lutte éternelle. Faites tournoyer, mêlée d’injures et de sang, les malheureux soldats qui vous écoutent. Je fuis loin du tourbillon où quelques mots sans accent disent l’amour, où tous les gestes crient la haine. Je ne me donnerai pas au hasard. Je ne deviendrai pas un instrument entre d’autres mains et une arme. Quelques-unes d’entre vous font des promesses de libération ; l’instant arrive où à vos fidèles vous imposez obéissance passive et discipline aveugle. Or je veux toujours