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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/150

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tout l’être dans la noblesse de la lumière, la vie réelle de Nietzsche valait si peu d’être vécue. Au lieu d’idéaliser cette existence par la beauté d’une âme chaque jour plus rayonnante, il fuyait ses pauvres réalités dans une vie complémentaire et de songe. L’infirme, immobilisé aux profondeurs d’un fauteuil, dépendant de son entourage, rendu âpre par la souffrance et irritable par la faiblesse, cherchait dans la spéculation ce qui lui manquait le plus douloureusement : la puissance. Ignorant que la vraie puissance, cette généreuse, n’a jamais besoin de matière humaine sur quoi se transformer en tyrannie, il mariait son rêve et sa dolente méchanceté. Beaucoup de malades refont le songe maladif ; beaucoup d’esclaves s’éblouissent à son éblouissement esclave : neurasthéniques mégalomanes qui, trop agités et trop faibles pour l’effort continu de se réaliser hommes, se grisent à l’idée puérile d’être des surhommes. Le succès de Nietzsche : une épidémie qui frappa un grand nombre de volontés fiévreuses et anémiques. Mais l’individualisme de la volonté d’harmonie où le rencontrer aujourd’hui ?

J’ignore si Herbert Spencer conserve encore des disciples. Son individualisme est autrement libéral et équilibré que celui de Nietzsche. Pour-