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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/231

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si je puis dire, autant que les opérations préliminaires qui me le rendent connaissable. Peu importe que j’aie ou non conscience de ces opérations. Ce que j’aime comme ce que je connais est en moi, a pris ma forme ; mon amour n’embrasse que ma propre joie. L’image d’où elle semble jaillir est quelque chose d’intérieur, est un aspect de moi et non plus l’inaccessible dehors.

La critique de Kant, en revanche, ne me paraît point porter contre tous les eudémonismes. Cette critique adresse aux éthiques du bonheur deux reproches bien différents. Le second m’intéresse peu. Que m’importe si mon art se peut ou non formuler en préceptes universels ? Mais le premier reproche, le manque d’efficacité n’est-il pas le plus grave qu’on puisse objecter à une méthode ? S’il porte complètement, il ne reste qu’à chercher ailleurs ou à renoncer à toute application méthodique.

Il porte en effet, ce reproche, contre certains eudémonismes grossiers, matériels et objectifs. Non seulement nul objet ne donnera le bonheur à tous, mais encore le même objet ne sera pas longtemps le désir du même homme. Si j’essaie d’enfermer le bonheur dans une matière quelle qu’elle soit, le bonheur glisse et fuit.