Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/232

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Mais les eudémonismes formels, sagesses et subjectivismes, échappent, eux, à l’objection.

Pour l’épicurien et le stoïcien — celui-ci parle presque le langage de Kant — le bonheur est une forme que l’artiste moral donne à la matière de sa vie.

Existe-t-il une matière complètement réfractaire à son art ? Peut-être. Mais cette matière est facile à rejeter et à remplacer par une autre.

L’expérience montre que les matières les plus communes, les plus pauvres, les plus malheureuses aux yeux vulgaires, sont les plus faciles à sculpter, donnent les formes les plus nobles. Socrate, Cléanthe, Spinoza vivent dans ce qu’un terrassier appellerait la misère. Si les deux premiers sont doués d’une santé d’athlète, le troisième est maladif, toujours mourant. Épictète est un esclave infirme. Tous sont arrivés au sommet du bonheur. Marc-Aurèle empereur s’est essoufflé à monter à mi-côte, jusqu’à la résignation.

Pour l’épicurien ou le stoïcien, le bonheur est l’accord, l’harmonie, l’équilibre de tout l’être intérieur. L’art qui le réalise exige trop d’autonomie pour avoir, comme les morales religieuses ou la morale kantienne, les naïves prétentions à l’universalité. Le vrai subjectiviste ne se préoccupe