Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/35

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Entre les existences que j’admire et les œuvres d’art que j’aime, je crois en ce moment découvrir une émouvante parenté. Chaque vie louable me paraît une création nouvelle, la manifestation d’une beauté personnelle. Entre les hommes qui, à diverses époques, ont surveillé leurs actes comme un poète surveille ses paroles, nul progrès ne m’apparaît. Si je préfère Épictète ou Jésus, Spinoza ou Cléanthe, ce sera par un goût tout individuel et je comprendrai chez mon voisin des préférences contraires. Je m’étonnerais si j’entendais affirmer qu’Archimède savait autant de choses que M. Branly. Tolstoï au contraire ne me paraît pas plus avancé que François d’Assise et l’individualisme d’Ibsen n’est pas plus complet que celui de Diogène. Ainsi l’œuvre d’Homère n’est inférieure à aucune de celles qui ont suivi. Des époques déjà anciennes ont produit des êtres qui me semblent approcher de la perfection et ces harmonies furent réalisées par des méthodes divergentes. Antisthène et Diogène diffèrent d’Épicure et de Métrodore ; Zénon, Cléanthe et Épictète diffèrent de Jésus et de Philon : autant qu’une tragédie de Sophocle diffère d’une tragédie d’Eschyle ou d’Euripide ; autant qu’une œuvre de Racine s’éloigne d’une comédie de Molière,