Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/50

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paraît un phénomène original et que les lois physico-chimiques n’expliquent point. La biologie a un domaine indépendant. Le vivant se défend contre l’hostilité aveugle des forces physiques.

Quand un rocher roule vers un animal ou vers une autre pierre, la pierre attend, mais l’animal s’enfuit. Si j’ai avalé par mégarde un poison, je ne laisse pas agir sans lutte les lois chimiques qui doivent amener ma décomposition, mais, d’un geste qui n’a rien de chimique, je cherche l’antidote. De même, conscience morale et volonté n’existent pas sans la vie, mais elles sont d’un autre ordre que la vie. Non seulement l’être moral n’est pas expliqué, en ce qu’il a de moral, par la biologie ; mais la vie éthique ne se conserve que par la lutte contre l’envahissement et l’exclusivisme des fatalités biologiques.

Il y a en moi un âpre vouloir d’unité qui se rebelle contre les rigueurs de la méthode. Mes croyances et mes rêves interviennent dans mon effort scientifique, dans mon effort artistique, dans mon effort éthique. Je ne m’oppose qu’à demi et en souriant à l’invasion puérile. Je ne m’oppose point à sa grâce, mais à sa tyrannie. Je ne permets pas à mes rêves de troubler mon expérience de chimie, de