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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/51

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m’empêcher de voir le résultat exact. Je ne leur permets pas de troubler l’ordonnance d’une œuvre d’art ou l’harmonie d’un geste. Mais je suis heureux si quelque rêve large monte des fumées du laboratoire, ou des frémissements du livre, ou de la noblesse précise de l’action. Pourvu que le chuchotis en reste modéré, j’écoute les hypothèses que me suggère le rêve. Parmi celles qui sont vérifiables, je vérifie les plus simples, les plus voisines de ce que je sais. Et je remplis par de la métaphysique les vides de mes connaissances, toujours prêt cependant à faire place à une notion positive nouvelle et à déloger le songe provisoire qui occupait cette place. Et je ne blâme nullement celui qui remplit les mêmes vides par des rêves différents. Au contraire, je me réjouis de la richesse variée de nos songes.

Dans l’action, j’écoute parfois des considérations scientifiques ou des rêves métaphysiques. À la condition expresse qu’ils ne contredisent pas les certitudes de ma sagesse et même ne choquent aucune de ses inquiétudes, aucun de ses scrupules. Il y a beaucoup de gestes que non seulement la modeste sagesse, mais encore la prétentieuse et tyrannique morale considèrent comme indifférents. Gestes neutres, situés entre le bien et le mal, « au