Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/57

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aimer ces procédés pour eux-mêmes. Machiavel n’a rien d’un satanique et le mal pour le mal ne lui paraîtrait pas moins ridicule que la préoccupation de bien faire. Même il blâme « la cruauté mal employée », timide et inefficace, aussi nettement qu’il loue « la cruauté bien employée. » Il recommande de commettre seulement des crimes « dont la grandeur couvre l’infamie. »

Ce n’est pas que Machiavel cède ici à quelque préoccupation esthétique. Il n’y a nul romantisme dans cet esprit clair et avisé et il ne conseille pas de se faire avec des cadavres un piédestal ostentatoire. La grandeur du crime en couvrira l’infamie si, ayant détruit l’adversaire d’un seul coup, on peut revêtir ensuite un masque de douceur et de sourire. Octave, ayant tué suffisamment et avec une précision suffisante, permet à Auguste de faire adorer par les siècles sa clémence. Trouverais-je dans toute l’histoire de France un geste que Machiavel pût approuver complètement ? C’est au moins douteux. Machiavel n’est pas assez naïf pour reprocher à Catherine de Médicis d’avoir tué beaucoup de protestants. Il est assez habile et résolu pour lui reprocher d’en avoir trop épargné. Petit crime, la Saint-Barthélemy, et insuffisant, et dont la grandeur ne couvre pas l’infamie. Les