Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/64

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Si l’histoire ne connaît aucun roi devenu philosophe, elle connaît quelques philosophes devenus rois. Leur puissance ne tarda pas à détruire leur philosophie. Frédéric, prince présomptif, écrit avec une sincérité superficielle sans doute, pourtant réelle et indignée, l’Anti-Machiavel. Roi, il suit mieux que personne les préceptes de Machiavel. Il est Machiavel couronné. Seize siècles avant lui, Marc-Aurèle, avec une bonne volonté plus profonde, s’efforce de réaliser la République de Platon. Hélas ! comme il se sent bientôt déchiré avec lui-même. Sa philosophie condamne la guerre : « L’araignée est fière de prendre une mouche ; tel est fier de prendre un levraut ; tel, de prendre une sardine ; tel de prendre des sangliers ; tel de prendre des Sarmates. Au point de vue des principes, tous brigands. » Sa fonction l’entraîne à prendre et à tuer des Sarmates. « Comme Antonin, j’ai pour patrie Rome ; comme homme, le monde. » Peu à peu Antonin tue en lui l’homme. Et voici que cet être sérieux jusqu’à la tristesse condamne dans un éclat de rire principes et philosophie : « Quels chétifs politiques, ces nains qui prétendent régler les affaires sur les principes de la philosophie. Ce sont bambins dont on débarbouille le nez avec un linge. » Ainsi