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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/79

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tout intérieure et les échos qu’on en croit entendre dans l’histoire sont des menteurs. Socrate et Jésus sont réhabilités, aux yeux officiels, parce qu’on a déformé leur pensée jusqu’à la rendre semblable à la pensée officielle. Tout grand martyr individualiste a des disciples avisés qui socialisent la victime de la société. Platon, législateur qui conseille aux magistrats le mensonge et la ruse, ose, au long mensonge qui s’appelle le Criton[1], mettre dans la bouche de Socrate, ennemi des « lois écrites » et de leurs brutales sanctions, une lyrique apologie du code athénien.

Cette socialisation des gloires individualistes trop éclatantes pour qu’on les puisse éteindre et trop hautes pour qu’on les puisse salir n’est-elle pas une loi de l’histoire ?… Jésus, partisan de l’adoration en esprit et en vérité, ennemi des cultes

  1. Tout est mensonge ou équivoque dans le Criton. Ce n’est même pas Criton qui prépara la fuite de Socrate et essaya de le persuader. C’est Eschine. Mais, Eschine étant l’ami d’Aristippe que Platon détestait, Platon n’hésita pas à lui voler sa gloire pour en couronner quelqu’un qu’il aimait. — Au second chapitre du livre IV des Véritables Entretiens de Socrate, j’ai essayé de corriger socratiquement le Criton et de reconstituer le vrai dialogue dans la prison. Au chapitre précédent, j’ai tenté de faire prononcer par Socrate une apologie vraiment socratique.