Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/97

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savoir choisir, comprend deux parties : intelligence et maîtrise de soi.

Aristippe croit impossible de découvrir les causes naturelles. D’ailleurs, la sagesse de la conduite lui paraît seule mériter qu’il y applique sa puissance intellectuelle ; il n’en veut rien distraire pour des recherches à la fois inutiles et inefficaces. Quelques anecdotes, qui probablement ne sont pas toutes vraies, mettent surtout en lumière sa souplesse et son art souriant de se plier aux circonstances. Cependant il exigeait dans le sage l’accord de la parole et de la conduite et il sut, à l’occasion, montrer une fermeté narquoise.

Sa rare puissance d’ironie semble avoir surtout frappé ses subtils contemporains. À nos yeux, sa grande vertu est la maîtrise de soi, le don délicatement grec de la mesure. Il savait, sans presque jamais le blesser ou en le désarmant par le rire, parler avec une liberté malicieuse au roi sur qui il fondait sa cuisine. Des jeunes gens s’étonnant de le voir entrer chez une courtisane, il répondait : « La laideur n’est point d’entrer ici ; la laideur est de n’en point savoir sortir. » Son mot sur Laïs est célèbre : « Je la possède ; elle ne me possède point. » Malgré tous ses mérites, nous pardonnons difficilement à Aristippe d’avoir été une sorte de