Page:Ryner - Le Massacre des amazones, Chamuel.djvu/113

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solide comme Victoire la Rouge. Depuis elle a compliqué, pédantisé et spiritualisé sa manière et elle est devenue le premier écrivain de notre temps pour les vrais amateurs de phébus et de fin du fin. Le plus caractéristique de ses livres s’appelle les Aimées. C’est l’histoire d’un « esthète » génial qui jouit surtout de ses souffrances et des souffrances voisines. Pour créer de la douleur en lui-même et en l’adorée, Emmanuel fait semblant d’être marié. Un jour, fatigué de cette comédie, il avoue tout à sa blonde maîtresse : la merveilleuse brune qui passait pour sa femme et dont la beauté attisa de si atroces jalousies, est sa sœur. Malédiction ! la bien-aimée s’est fatiguée un jour avant lui ; elle est mariée depuis vingt-quatre heures. Au lieu de jouir délicieusement de ce malheur imprévu, l’esthète génial devient fou. Ne le plaignons pas trop : le délire lui permet de prendre la brune pour la blonde, et la bonne sœur lui rend publiquement son premier « baiser d’amant » en se déclarant « décidée à tout pour le sauver ».

L’admiration que m’inspirent ces aventures originales est décuplée par l’écriture d’une élégance riche. Ces trois cents pages constituent la plus étonnante anthologie de gongorismes qu’on puisse rêver. Deux ou trois fleurs pour boutonnières d’esthètes, voulez-vous ?

Ne dites plus, précieux esthètes : le mystère féminin. Dites : « L’obscur dédale en lequel l’homme se perd