Page:Ryner - Le Massacre des amazones, Chamuel.djvu/168

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profondément, se croit la plus nette et la plus puissante conscience de la vie universelle. « Un malaise inexprimable m’étreint quand le soleil s’évanouit à l’horizon ; je me détache de la vie, à l’automne, comme les feuilles des arbres, et le sang bouillonne dans mes veines, comme la sève des plantes, quand le premier soleil de mars troue le plafond de nuages gris ». Ça continue des pages et des pages. « Parfois aussi, me pelotonnant contre la terre, me faisant toute petite comme une enfant éplorée sur le sein de sa nourrice, j’ai étreint le sol à pleins bras, enfoncé ma tête dans l’herbe, et défailli de tristesse, à voir les arbres si beaux, l’horizon si vaste, le soleil si radieux. » À force de le dire et de le répéter, elle finit par le croire presque. Et vraiment, tandis que son sourire s’élargit béat, elle a des larmes dans les yeux, et elle s’agite en une joie sensuelle, sous une attaque de panthéisme hystérique. Mais il y eut visiblement, lorsque commença le baiser, de l’effort, de la comédie, et, pour parler une langue aussi respectueuse que la sienne, du chiqué.

Sa sensibilité s’émeut devant le malheur des hommes ou des bêtes, suivant les mêmes lois que devant les beautés naturelles. Elle a, spontanée mais courte, une petite secousse des nerfs, plutôt agréable, et dont pourtant elle se sait gré. Elle s’efforce de la prolonger, cette plaisante secousse, et elle en arrive, sadique de la pitié,