Page:Ryner - Le Massacre des amazones, Chamuel.djvu/167

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Elle est une très petite chose, jolie et frémissante, et qui a des ailes, non point pour voler, certes, mais pour courir sautillante, d’une allure qui pose à peine. Elle est la Parisienne et elle est la gamine : sourire gai ou malicieux, larmes vite essuyées, à la fois amusée et émue de tout, souvent amusante.

Son imagination est vive. Elle a peu de chose à dire de chaque rencontre, elle n’approfondit rien ; mais en passant elle regarde et son mot, parfois juste, est presque toujours pittoresque. Cette imagination a ses défauts, mais des défauts séduisants, parce que créateurs d’imprévu. Elle voit mieux à la ville qu’à la campagne, s’explique le naturel par l’artifice, l’événement de tous les jours par l’accident d’une fois, et même ce qui est sous ses yeux par ce qu’elle n’a pu voir. Chez elle le soleil « se noie dans le vermeil liquéfié des flots, ainsi que le duc de Clarence dans sa tonne de Malvoisie. » Pour comprendre la nature, elle fait appel à ses souvenirs livresques ou elle ferme les yeux et regarde en sa mémoire des décors de théâtre. Son admiration devant les plus sublimes spectacles n’est qu’un étonnement amusé : elle parle de la mer moins respectueusement que d’une cabotine et traite le soleil avec la même familiarité qu’un conseiller municipal. Elle s’égaie « de sa trogne de vendanges et de son pif en pomme de thyrse ». Quelquefois pourtant elle veut paraître émue