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anglomanie.


Mieux que le jour j’aime les heures blanches
Qu’on voit errer le soir et le matin,
Qui font pâlir l’émeraude des branches,
L’or des sillons et le bleu du lointain.


On devrait les regarder en un bonheur immobile et timide, ces vers qui sont papillons et colibris voletant dans un charme de brume. Mais le critique, brutal naturaliste, les saisit, les serre de ses doigts gauches, essuie maladroitement leur poussière d’or et triomphe d’expliquer enfin « comment ils sont faits ».

Une belle pièce intitulée Paris trahit le secret de ce vers songeurs de Parisienne dont la grâce me parut d’abord indéfinissable :


… Comme ces fleurs errantes dans la rue
Tiennent par leur racine à quelque sol lointain,
La pensée, au hasard des foules accourue,
Garde d’un souvenir le contour incertain.


Rarement, la plante nous est offerte complète, fleur, tige et racine, souvenir encore suspendu à la pensée.

Des strophes d’une beauté subtile expriment de l’inexprimable, parviennent à formuler, poétiquement et sans effort apparent, un vœu singulièrement idéaliste.