Page:Ryner - Le Massacre des amazones, Chamuel.djvu/52

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Mme Daudet voudrait que les chansons, et les parfums, et les clartés, flottent dans l’air sans causes visibles ; elle voudrait entendre le chant en ignorant l’oiseau et ne point savoir d’où émane l’odeur grisante ; elle voudrait


Que toute leur magie immortelle fût libre ;
Que la chaleur nous vînt d’astres inaperçus.

Les plus beaux vers de Mme  Daudet sont de ces gazouillis et de ces lueurs dont l’origine nous reste inconnue. C’est la fleur de poésie, sans la terre de réalité sur laquelle elle poussa. Ce sont des fils de la Vierge qui flotteraient, vagues, parfumés, lumineusement gris. Laissons le poète définir lui-même ce délice insaisissable. Ce n’est plus un chant, c’est un murmure,


Un murmure flottant aux souvenirs lointains

Parmi des reflets blancs de claire mousseline,

Où tremble la lueur errante des matins.

Alors les mots qu’elle groupe en colliers


Prennent un reflet vague et des teintes peureuses
De nacre qui s’éteint et de perle qui meurt.

Et c’est une poésie exquise, incertaine et fuyante comme un reflet de ciel en une transparence de rivière.

Parmi ces rêveries, dont beaucoup ne peuvent même subir la gêne d’un titre, les plus saisissables — et ceci