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Page:Ryner - Le Présent du berger, paru dans Le Radical, 17 mai 1914.djvu/4

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Bernard Londas, le vieillard infirme qui habitait la maisonnette, passait le plus de temps possible dans la barque aimée et inutile. Du seul bras qui lui restait, il la soignait comme une mère adorée ou comme une petite fille qu’on n’est pas sûr de voir longtemps encore. Il lui parlait avec de puériles câlineries :

— Hein, pitchoune, tu voudrais courir sous le vent et ça te ferait plaisir de revoir un peu le large. Mais, tu le sais bien, ça ne se peut plus. Mon pauvre bras gauche, et rhumatisant, et sujet aux crampes, comment qu’il manœuvrerait la voile ou qu’il ferait marcher les rames ?

Souvent, les nuits d’été, il dormait dans la barque, sous les étoiles. Là, naguère encore, le sommeil retrouvait une douceur de jeunesse et le léger roulis berçait des songes délicieux, des songes de courses, de vent et de pêches extraordinaires.