Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/22

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qui se présente avec un aspect menaçant, ne serait-ce pas prendre trop au sérieux et le problème, et la méthode, et soi-même ? Les fils du rire philosophique ne s’abritent point derrière les durs barreaux de la méthode et ils n’enferment pas dans une cage le problème qui rugit. Le bruit de leur joie arrive aux oreilles comme une musique puissante et c’est son écho que les anciens entendaient quand ils louaient la lyre d’Orphée. Parmi ses éclats, nous jouons négligemment avec les fauves. Nous n’y avons nul mérite : leurs griffes et leurs dents sont des créations du sérieux des philosophes, la seule chose effrayante qu’on puisse rencontrer en philosophie.

J’évoque donc ce que les génies et les nigauds ont dit sur la question, j’examine chacune de leurs paroles. Trouverai-je en quelqu’une d’elles un commencement de démonstration de l’universelle nécessité, ou de la liberté humaine, ou de l’universelle liberté ? Rien qui y ressemble. Regardés en face, les prétendus arguments reculent, balbutient, finissent par mendier humblement le déterminisme comme un postulat de la science ; la liberté, comme un postulat de l’action. Je veux vivre harmonieux et je ne me refuse pas au savoir : je suis tenté d’abord de tout accorder, ici comme là, sans trop m’émouvoir de la contradiction. Apparente ou réelle, insoluble ou faite d’une brume inconsistante, la contradiction, après tout, se produit aux profondeurs métaphysiques, joyeux domaine des antinomies. Bientôt je souris, amusé : mon attitude contradictoire, je viens de m’en apercevoir, est celle de tous les hommes. Leurs négations verbales sont faites d’inconscience. Chacun de leurs gestes est un acte de foi au déterminisme et ensemble un hymne à la