Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/29

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tions. Ton enfance sommeillait, enveloppée de sourire, aux douceurs épaisses d’une mousse ; mais des épines l’enserraient étroitement. Les piqûres arrêtaient le moindre écart, te fermaient, disait-on, les chemins du malheur et des pleurs qui ne tariront pas. Aujourd’hui, te voici, entre les lois, un peu plus d’espace et de liberté. Qu’en feras-tu ? Éveille-toi tout à fait. Regarde. Et sois sincère avec toi-même.

Mais ce fut, longuement balancé, un silence : l’hésitation immobile du voyageur au carrefour inconnu. Puis, une voix venue de loin parla :

— Récompense et punition, cette vérité de l’enfance est la vérité de toujours. Ton éducation était l’image rétrécie de la vie. Sans troubler les proportions, on avait tout rapetissé pour que tu puisses tout voir. Continue de faire bien, tu continueras d’être récompensé. Mais, si tu abusais de ta liberté pour faire mal, tu serais puni.

— Quand serai-je puni et quand récompensé ?

— En ce monde et en l’autre, chevrota la voix lointaine qui étrangement sonnait sénile et à la fois puérile. Il y a des félicités éternelles et il y a d’éternels châtiments. Mérite les délices fraîches du paradis, mais crains les flammes infernales.

Un éclat de rire mit en fuite la voix cassée. Le jeune homme crut entendre s’éloigner comme une claudication et comme un marmonnement. Des syllabes latines se mêlaient à des syllabes françaises en une ridicule malédiction. Comme une flamme mourante, l’anathème s’enfla, puis agonisa.

Bientôt un immense chuchotement lui succéda, venu d’où ? de partout. L’attention avidement persistante du