Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/32

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que tu veux. Tes interprètes, par quel moyen en savent-ils plus que moi ? S’ils affirment quand je doute, c’est que les uns ont la sincérité de l’écho, mais les autres ont l’ambition de me conduire et l’avidité de m’exploiter. Toi, Devoir, ne serais-tu pas un surnom austère et comme une ombre abstraite du fantôme divin ? Kant ne t’a-t-il pas proclamé, impératif catégorique, avec l’arrière-pensée de découvrir derrière toi le Dieu dont tu es le Verbe ? Dans tous les cas, tu es le nom d’un maître, et je ne veux pas de maître. Obéir est toujours laideur et lâcheté. Arrière, les morales d’esclaves ; arrière, tous les servilismes.

— Que veux-tu donc ?

— Je veux être.

— Alors mes seules paroles sont faites pour tes oreilles. Écoute-moi. Sois. Sois celui que, depuis toujours, le long de l’Anneau des anneaux, cherche la vie : celui qui commande. Sois la volonté de puissance qui de plus en plus se réalise. Sois le surhomme.

— Exiger l’obéissance, moi qui refuse d’obéir ! Empêcher les autres de se réaliser, moi qui veux me réaliser… Je souffrirais trop de cette contradiction intérieure, de ce déchirement, de ce cri de moi-même contre moi-même.

— Sois dur. Tout progrès exige un renforcement de l’esclavage.

— Silence, dominisme. Tu trompes comme un servilisme. Le maître est esclave de ses esclaves. Plus pauvre qu’eux, si la chaîne qui les unit vient à se briser, voici qu’ils s’éloignent en chantant, mais lui reste pleurant et dénué. Aussi, toujours préoccupé d’eux, toujours dévoré de craintes et de soupçons, toujours appliqué à les conserver par la force ou par la ruse, par la menace qui tremble