Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/31

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Mais le jeune homme, avec décision :

— Tais-toi. Tu aimes trop les ornements étrangers pour savoir ce que c’est que la beauté. Celui qui te suit parle contre sa pensée, agit contre sa parole, n’est plus que grimace et inharmonie. Je suis ma propre fin : tu me déformerais en moyen malheureux de réalisations inutiles. Les besoins animaux que tu adores comme des dieux, je sais les satisfaire à peu de prix ; et je commence à connaître des jouissances hautaines que tu ne soupçonnes point. Je veux vivre sur les hauteurs de moi-même et je ne te livrerai pas mon intelligence pour que tu en fasses de la ruse ou de la boue.

La voix rauque et sale répliqua :

— Imbécile !

Puis elle se tut. Mais d’autres, nombreuses, la remplacèrent. Toutes proclamaient :

— Puisque tu es une nature généreuse, tu m’appartiens.

— Ah ! demanda le jeune homme, vous qui parlez maintenant, ne seriez-vous pas les morales ?

Et chacune affirma :

— Je suis la seule morale. C’est à moi qu’il faut obéir.

— T’obéir ! Et au nom de quoi ?

— Au nom de Dieu, dit l’une.

Et les autres :

— Au nom du Devoir… au nom de l’Humanité… de la Solidarité… de la Patrie… de la Race.

— Solidarité, Patrie, Race, Humanité, je regarde les gestes que font les mains de vos prêtres, et je vois que vous êtes mensonges et attrape-nigauds. Dieu, je ne suis pas sûr de ton existence et, si tu es, je ne sais ni ce que tu es ni ce