Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/39

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ils sèment ce dont ils débordent ; de sorte que ton froment étouffe sous leur ivraie. Ô toi qui fus doux et humble de cœur, regarde ces vastes siècles : ils sont le domaine de ceux qui se réclament de ton nom. Il n’y pousse que haines, tyrannies, avidités, orgueils, inquisitions et guerres. L’amour, ton apparent triomphe et ta lamentable défaite réelle le prouvent cruellement, ne se crée pas à volonté.

Il me semble que sur ma pensée j’ai un peu plus de pouvoir. Je puis diriger mon attention, l’arrêter ici plutôt là. Aimer, je ne saurais le tenter directement ; je puis essayer de me connaître moi-même.

Oh ! mon effarement et mon recul au premier regard sur moi. Ce que j’appelle Moi, quel chaos fou ! Cette lourdeur faite de mille passivités dénouées, est-ce un vivant ? Cet enchevêtrement de mille contradictions actives, est-ce un seul vivant ? Où suis-je là-dedans ? Qu’est-ce qui est vraiment moi, qu’est-ce qui m’est étranger ? Ah ! le tri à faire, quelle œuvre longue et difficile !

— Assez difficile, mon ami, et assez longue pour devenir la joie de toute ta vie.

— Par où commencerai-je ?

— Tu n’as peut-être pas le choix. Résous aujourd’hui, grand ou petit, le problème que le Sphinx que tu nommes la vie te pose aujourd’hui. Mais que ton geste et parole n’ânonnent point une ancienne solution : peut-être elle fut toujours fausse, ne satisfit jamais à aucune question ; sûrement elle est devenue tâtonnante et naïve. Pauvre vieille facile à tromper, elle ignore, cette réponse d’hier, la forme où docteurs et pharisiens d’aujourd’hui ont emberlificoté le problème. Résous toi-même ton problème.