Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans doute. Amour et sagesse se supposent et se soutiennent dans la lumière des sommets comme, aux bas-fonds et aux ténèbres, servilisme et dominisme. Fraternisme et subjectivisme, ne seriez-vous pas les deux aspects de la vérité, le double mouvement de la vie, mon cœur qui se dilate et qui se contracte ?…

Pourtant mon émotion est si différente lorsque j’écoute ici et lorsque j’écoute là… Ta voix de charme, ô Jésus, me laisse plus inquiet que le verbe viril d’Épictète.

« Aime ton prochain comme toi-même ». Mais comment est-ce que je m’aime ? Tout est-il aimable en moi ? Ne s’y introduit-il pas des pensées que je repousse, ne s’y élève-t-il pas des désirs que je comprime, ne s’y chuchote-t-il pas des suggestions auxquelles je me hâte d’imposer silence ? Et tout cela peut-être n’est point moi. Mais il faut donc que, pour aimer selon ta règle, je commence par me connaître moi-même. Ton premier commandement, Jésus, a besoin d’être précédé d’un autre. Je le crains, tu débutes par la fin, tu exiges le chef-d’œuvre avant d’enseigner les éléments de l’art, tu veux moissonner ce que tu as négligé de semer.

« Aime ! » Puis-je efficacement m’adresser une telle recommandation ? Ai-je sur mes sentiments un pouvoir aussi direct ? Ô Jésus, artiste de vie peut-être trop spontanément grand pour avoir une méthode, pour construire les difficultés des commencements et l’effort du lent progrès, pour trouver dans ton expérience quelque souvenir utile aux pauvres apprentis que nous sommes… Tu aimais déjà quand tu te commandais d’aimer. Tu dis à tous : « Faites comme moi ». Et tu vas semant l’amour dont tu débordes.

En voici, innombrables, qui croient faire comme toi ; et