Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/156

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Quelle utilité y a-t-il à dire des mots qui ne contiennent point de pensée ? Comment Dieu serait-il absurde au point de nous parler par la raison et de nous défendre d’écouter la raison ? Où as-tu découvert cet ordre de Dieu qui m’interdit d’entendre la parole de Dieu ? Ah ! le Dieu fou qui se nie pour s’affirmer. Ton Dieu ressemble à un cordonnier qui apprend des mots à une pie et qui se réjouit quand la pie répète correctement. Je te l’ai déjà dit : tu avilis Dieu et tu avilis l’homme.


théophile

J’adore sans comprendre. J’adore en esprit et en vérité. Mais toi, pour embrasser Dieu, tu le réduis à la mesure humaine.


épictète

Je n’ai pas la prétention d’embrasser Dieu. Je ne sais pas tout. Mais je dis seulement ce que je sais. Je ne puis monter jusqu’au soleil et le regarder de près. Pourtant, si tu m’affirmes que le soleil est obscur, je ris de toi. Or qu’est-ce que ton Dieu hostile à la raison, sinon un absurde soleil que tu affirmes ennemi de la lumière ?


historicus

Tu vois, Épictète, combien le dieu des chrétiens est étrange pour nous. Je l’accepte comme une conception…


serena

Une conception barbare et inharmonieuse. La plus folle des folies.


historicus

Qu’importe ? Érostrate était fou, et il a détruit. Donne-lui le pouvoir et, sur les ruines du temple d’Artémis, il construira un monument audacieux comme sa démence. Ainsi les chrétiens, fous peut-être, détruiront et, après leur triomphe, ils construiront.