Aller au contenu

Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du monde. En outre, nul ne peut être appelé mon maître. Et toi, esclave qui t’adresses à un homme libre, tu ne parles pas au nom d’un maître, mais au nom d’un compagnon d’esclavage. Ce n’est pas à César que tu obéis, c’est aux maîtres même de César.


le préteur

Insensé, je ne connais point de maître à César.


épictète

Serais-tu l’esclave qui ignore ses propres maîtres ? Ou bien désires-tu que j’estime César supérieur à la crainte de la mort, à la crainte de la douleur, à l’amour des richesses, à l’amour des plaisirs ?


le préteur

Tu as nommé des esclaves dociles de César. La mort et la douleur sont des chiennes de sa meute. Il peut les lâcher sur toi comme Jupiter lança sur Prométhée le vautour, chien des airs. Les richesses, courtisanes désirables entre toutes, les richesses, mères de toutes les voluptés, qui donc, plus que César, peut en faire les épouses fidèles de ceux qu’il aime ?


épictète

César est-il indifférent au coup de poignard qui demain peut-être immobilisera pour toujours ses gestes criminels et fous ? Non, n’est-ce pas ? Donc il est esclave de la mort et de la crainte. L’autre jour, on me l’a raconté, pour une rage de dents, il remplit son palais de cris comme un enfant. Il est esclave de la douleur. Après avoir acheté la paix aux Barbares au lieu de les combattre, ce tributaire de Décébale s’est amusé, esclave des apparences, à promener dans la ville appauvrie le faste et le ridicule d’un triomphe vide. Soumis aux plaisirs les plus vils, il est allé reprendre dans un lupanar des bords du Tibre sa Domitia dont les baisers ignobles écœuraient jusqu’aux