Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/17

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bateliers. L’homme au nom de qui tu te glorifies de parler, ô préteur, est l’esclave de Domitia, esclave elle-même de Pâris, un histrion.


le préteur

Si nous n’étions seuls, je serais obligé de punir chacune de tes paroles comme un sacrilège. J’aime mieux rire de ta folie. Mais, maintenant, pars en silence, car je ne t’ai point fait venir pour te demander une leçon de philosophie.


épictète

Et moi, est-ce que j’ai prié pour venir ? Est-ce que je t’ai demandé de me parler ? Je supporte ce que tu es. Pourquoi ne supporterais-tu pas ce que je suis ?


le préteur

C’est que je suis magistrat pour te donner des ordres. Et toi, vil affranchi, tu as pour seul devoir d’écouter et d’obéir.


épictète

J’ai une bouche pour te répondre comme j’ai des oreilles pour t’écouter. Et tu as des oreilles pour m’entendre, comme tu as une langue pour répéter.


le préteur

Tu dis bien : je répète des ordres qui viennent de plus haut. Et, quand tu me réponds, tu es absurde comme le chef barbare qui, au lieu de s’adresser à l’impérator, essaierait de traiter avec la première sentinelle rencontrée.


épictète

Il est peut-être vrai que nous n’avons rien à nous dire. Tu joues un rôle. Moi, je ne réplique pas ce que tu attends. D’où ton ennui et ta colère. Je ne sais que des paroles d’homme, non des phrases d’acteur, et je ne me recouvre pas de mots convenus comme d’un costume tragique. Mais toi, ombre et