Nous, nous rêvons un univers construit comme un sage, un Dieu qui harmonise le mouvement des mondes comme l’âme de Socrate harmonisait les gestes de Socrate. Nos doctrines ne sont pas désintéressées. Nous les dressons comme des remparts entre nous et les servitudes extérieures. Si l’épicurien est toujours préoccupé de protéger sa liberté indolente comme on défend une femme qui dort, si le stoïcien est une liberté armée, cuirassée et peut-être paralysée de vertu, c’est sans doute parce que nous avons le malheur de vivre dans une époque esclave.
Tu dis des choses justes, Félicion.
Dans la Grèce libre, la sagesse c’est la conquête de la vérité ; dans la Grèce soumise, toute liberté publique une fois morte, la sagesse c’est la défense de la liberté individuelle. L’ennemi occupe la cité et désespérément nous défendons la citadelle.
La citadelle est imprenable et la citadelle m’est une cité suffisante.
Nous vivons dans une époque malade. Depuis Tibère, tous les Césars sont des fous. Et le siècle délire avec eux. Les philosophes cherchent des remèdes contre l’universelle démence. Et ils se disputent comme, au chevet d’un moribond, des médecins. Car chacun, non content de boire la potion qui convient à son tempérament, affirme qu’elle seule est capable de guérir les autres.
Théophile s’enivre d’espérance et prend l’excitation de l’ivresse pour la force et la santé. Porcus se farcit de voluptés grossières. Serenus, frissonnant de fièvre, s’enveloppe d’un