Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/46

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d’odeurs de cuisine et de propos sales. Mais, au bord de la route, voici un bosquet charmant. Des oiseaux y chantent mieux que les musiciennes que tu traînes après toi et leur chant ne dit nulle grossièreté. Un ruisseau, plus aimable que tes vins et qui ne salit pas ce qu’il touche, roule de la fraîcheur sous son ombre. C’est là, si tu le veux bien, que nous nous étendrons pour manger tes figues et pour deviser mollement et noblement.


porcus

Qu’il soit fait selon votre vouloir, ô insensés qui avez plus de confiance en Épicure qu’en votre ventre. Et pourtant, le ventre qui, de l’aveu du subtil Métrodore, est le véritable objet de la philosophie, est aussi le seul docteur. Je t’aime, ô mon ventre, ô sage toujours prêt pour le plaisir. Avec quelle complaisance tu reçois la philosophie du falerne, et des viandes farcies, et des murènes nourries de la pensée et du corps des esclaves. Mais, quand les ventres inférieurs s’arrêtent parce qu’ils sont pleins, tu connais, toi, l’art des bains et les exercices du vomitorium ; et tu ne te refuses pas à de nouvelles voluptés… Lequel d’entre vous, ô compagnons de route, consent à suivre mon ventre, philosophe plus savant et plus héroïque qu’Épicure ?.. Viens avec moi, toi, Epictète. Ne serait-ce que par complaisance pour un sage exilé comme toi.


épictète

J’ai du pain dans ma besace. Au bord de la route, voici un tombeau humble comme un banc. Je vais m’y asseoir. Le bosquet monte jusqu’à la pierre et, puisque Serena parait le désirer, nous causerons,


porcus

Irai-je donc seul ? Non. Historicus viendra avec moi.


historicus

Certainement. Excepté quelquefois quand ils parlent, Epictète et son disciple, Serenus et son amie sont des êtres simples tels