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qu’il a pu en exister à bien des époques. Mais toi, Porcus, tu portes sur ton front la marque servile et le nom de ton maître. Et ton maître s’appelle Aujourd’hui. Tu m’es précieux, homme de ton siècle et brute de toujours. Tu manges avec l’avidité de la nature la plus grossière et avec les raffinements de notre temps. Tu es le romain accroupi, pour dévorer, sur ses conquêtes. Tu es le tigre que des viandes trop abondantes et qui s’offrent d’elles-mêmes alourdissent et immobilisent comme un porc. Ô spectacle instructif à mes yeux et à mon esprit, sur le lit du triclinium tu te vautres en animal historique.

Historicus, par un de ses étranges mouvements habituels, tournait sur lui-même, et ses vêtements flottaient comme de l’histoire incohérente. Il inspectait l’horizon comme une époque vaste. Puis il reprenait :

Il t’arrive peut être des convives. J’aperçois deux hommes qui nous apportent à grands pas deux belles barbes philosophiques.


porcus

Je loue et remercie tous les dieux qui n’existent pas. Toi qui es grand, Historicus, et qui portes de longs bras, fais signe à ces hommes de se hâter.

Historicus agite des gestes qui veulent dire : « Venez vite ! » Puis, le bout des cinq doigts se touchant, il porte plusieurs fois sa main vers sa bouche ouverte.


historicus

Ils courent. Ils ne seront pas longtemps à nous rejoindre.

Bientôt, en effet, les deux hommes arrivent. Ils disent ensemble :

Salut, Porcus. Salut, Historicus.

Historicus s’incline.


porcus

Salut, Petit Carnéade. Salut, toi aussi, mais je ne dirai pas