heureux, et ils ne se soucient des hommes non plus que le sage de la cité. Mais, dès que nous sommes entre philosophes, nous avouons que ces dieux paresseux n’existent point.
Je ne puis faire le même aveu. Car je crois que les dieux existent et qu’ils s’occupent des hommes comme du reste de l’univers.
Je crains de ne pas te comprendre. D’abord je remarque que Socrate, Platon, Chrysippe et toi, vous parlez tantôt des dieux, tantôt de Dieu. Crois-tu à plusieurs dieux ou à un seul Dieu ?
Je crois au divin. Par conséquent, je crois tout ensemble à un seul Dieu et à plusieurs dieux.
Explique-moi ces paroles qui me semblent contradictoires.
Quand je considère l’Ordre ou la Raison — ce sont deux noms du Divin ; mais tu aimeras peut-être mieux que je dise la Loi — qui gouverne l’ensemble des choses, j’adore Dieu. Si j’examine le détail du monde et si j’admire, ici, là, ailleurs, multiplement, la Beauté, l’Ordre, la Raison, la Loi, j’honore les dieux. Mais affirmer que la nature obéit à des lois, ce n’est pas nier que, dans les profondeurs, ces lois se rapprochent amoureusement et s’enlacent en une Loi. Le cercle ou la sphère ne sont pas des négations, mais au contraire des affirmations rayonnantes, du Centre. Et le Centre, nécessaire à l’épanouissement harmonieux, crée nécessairement l’épanouissement harmonieux.