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Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/66

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mouvante de joies plus qu’impériales et qui ne cesseront point. Pour être impérator quelques années, on consentirait aux plus durs travaux et à tous les sacrifices. Moi, je serai heureux comme mille impérators, pendant l’interminable, pendant l’inépuisable éternité.


épictète

Ô mercenaire. Tu ne t’es pas conquis. Tu t’es vendu. Mais ton Dieu est-il assez vil pour accepter de tels marchés ? Réponds-moi, Théophile. Un de tes frères m’a conté que Jésus de Nazareth chassa du Temple les changeurs et les marchands qui y trafiquaient. Crois-tu qu’il accepte ce marchand et cet usurier dans son église ?


théophile

Il appelle à lui tous les hommes. Et il a promis de payer un verre d’eau donné en son nom plus que César ne paierait tout sang répandu. Écoute la Bonne Nouvelle, ô Epictète, et tes sacrifices cesseront d’être vains, tes austérités deviendront la porte noble de la joie. Écoute la Bonne Nouvelle, et mon Dieu t’ouvrira un paradis plus beau et plus ombreux que les jardins de Salluste, plus farci de délices que le palais des Césars. Mais, si tu refuses de l’écouter, ta sainteté apparente devient un piège aux âmes incertaines et pour le Seigneur une injure, dont il te punira. Il te plongera pour l’éternité — entends-tu et comprends-tu ? pour l’éternité, toujours, toujours, toujours — dans les ténèbres extérieures où sont les pleurs et les grincements de dents.


épictète

Ô l’étrange Janus que tu prêches, avec sa figure de promesse et sa figure de menace. Son visage droit est celui d’un marchand qui sourit pour obtenir de moi je ne sais quel troc ; mais sa face sinistre ressemble à celle d’Acco, d’Alphitto ou de quelque autre fantôme imaginé par les vieilles femmes pour